On va être honnête : entre le t-shirt à 5€ qui ne survivra pas à trois lavages et la chemise « green » en polyester recyclé qui colle à la peau, bâtir un dressing élégant et éthique peut vite ressembler à un sport de combat. Pourtant, s’habiller mieux – pour toi, pour la planète et pour les gens qui cousent tes fringues – ce n’est ni compliqué, ni ennuyeux. À condition de savoir où regarder.
Dans cet article, on va passer en revue les principales marques de mode durable pour homme, les labels à connaître, et comment te composer un vestiaire responsable sans finir en moine minimaliste en lin brut.
Pourquoi la mode durable devrait t’intéresser (même si tu n’es pas « écolo »)
Non, tu n’as pas besoin de te mettre au savon solide et au vélo cargo pour te poser la question de ce que tu portes. La mode, c’est aussi :
Des vêtements qui durent (donc moins d’argent cramé dans des pièces jetables).
Des matières agréables à porter (ta peau te remerciera).
Des coupes mieux pensées (les marques responsables misent plus sur le long terme que sur le buzz TikTok).
Une image de toi un peu plus alignée (avoir du style sans avoir l’air d’un panneau publicitaire Shein).
Et puis, soyons francs : le vrai luxe aujourd’hui, ce n’est plus d’avoir 40 chemises, c’est d’en avoir 5 très bien coupées, bien fabriquées, que tu peux porter sans te demander si elles ont traversé 3 continents dans des conditions douteuses.
Les labels à connaître pour ne pas se faire greenwasher
Avant de parler de marques, un mot sur les labels. Parce que l’étiquette « éco-responsable » est devenue la nouvelle « édition limitée » : tout le monde l’utilise, rarement pour de bonnes raisons.
Les principaux labels sérieux à repérer :
GOTS (Global Organic Textile Standard) : le label de référence pour le coton bio. Il garantit non seulement la matière, mais aussi des critères sociaux et environnementaux stricts.
OEKO-TEX Standard 100 : garantit l’absence de substances nocives pour la santé dans le textile fini. Ce n’est pas un label éthique global, mais c’est un bon début pour ta peau.
Fair Wear Foundation : se concentre sur les conditions de travail dans les usines de confection (salaires, horaires, sécurité).
B Corp : label global qui évalue l’impact social et environnemental d’une entreprise (pas uniquement la production textile).
Leather Working Group (LWG) : pour le cuir, avec un focus sur les procédés de tannage et la gestion des produits chimiques.
Deux autres indices qui veulent (parfois) dire quelque chose :
Made in Europe / Made in France / Portugal / Italie : pas une garantie d’éthique absolue, mais souvent un meilleur contrôle des conditions de travail qu’en Asie à bas coûts.
Transparence totale : quand une marque détaille les matières, les lieux de production, les marges, et admet ses limites, c’est généralement bon signe.
À l’inverse, méfiance quand tu vois :
« Eco-friendly » sans explication.
Une « collection green » au milieu d’un catalogue de fast fashion.
Des capsules « conscious » avec polyester à 90% et deux boutons en bois pour se donner bonne conscience.
Les basiques du quotidien : t-shirts, sweats, chemises
S’il y a bien un endroit où commencer, c’est là : les pièces que tu portes tout le temps. Celles qui voient plus souvent la machine à laver que le reste de ton placard.
Quelques marques qui font le job avec sérieux :
Loom (France)
Philosophie : « moins mais mieux ». Pas de nouvelles collections tous les trois jours, mais des basiques améliorés au fur et à mesure des retours clients.
Pièces intéressantes : t-shirts, sweats, jeans, chaussettes, sous-vêtements.
Engagements : matières responsables (coton bio, laine certifiée), production en Europe, transparence sur les coûts, pas de soldes absurdes.
Asphalte (France)
Philosophie : précommande. Ils produisent uniquement ce qui a été commandé, ce qui évite le gaspillage et les stocks monstrueux.
Pièces intéressantes : jean brut, pull en laine, t-shirts, polos, vestes, parfois des costumes.
Engagements : focus sur la durabilité (tests, retours clients), fabrication majoritairement en Europe, travail sur l’empreinte carbone.
BonneGueule (France)
Philosophie : marque et média à la fois. Ils expliquent leurs choix, leurs matières, et reconnaissent leurs limites.
Pièces intéressantes : chemises Oxford, chinos, surchemises, pulls, vestes.
Engagements : belles matières souvent naturelles, production en Europe ou au Japon selon les pièces, forte transparence.
Hast (France)
Philosophie : la chemise sérieuse sans se prendre trop au sérieux.
Pièces intéressantes : chemises formelles, casual, oxford, popeline, lin, flanelle, mais aussi quelques costumes et accessoires.
Engagements : matières certifiées (GOTS, OEKO-TEX sur une grosse partie de la gamme), usines européennes, démarche de durabilité croissante.
Colorful Standard (Danemark)
Philosophie : des basiques colorés, simples, saison après saison.
Pièces intéressantes : t-shirts, sweats, hoodies, bonnets, chaussettes.
Engagements : coton 100 % bio, production au Portugal, teintures respectueuses de l’environnement, coupe unisexe, aucun logo tape-à-l’œil.
Avec ces marques, tu peux déjà te constituer un socle solide : 3–4 t-shirts, 2 chemises, 1 ou 2 sweats, le tout propre, net, durable. Comme des amis fiables, mais dans ton placard.
Denim, chinos et pantalons : là où la durabilité compte vraiment
Un bon jean, c’est presque une histoire d’amour. Sauf que la version fast fashion dure en moyenne moins longtemps qu’une relation Tinder.
Pour du denim propre (enfin, façon de parler) :
Nudie Jeans (Suède)
Philosophie : le jean comme compagnon de route réparable à l’infini.
Pièces intéressantes : jeans bruts, délavés, vestes en denim.
Engagements : coton 100% bio, réparations gratuites dans leurs boutiques, programme de reprise et de revente de jeans d’occasion, transparence poussée.
Atelier Tuffery (France)
Philosophie : l’un des plus anciens ateliers de jean français encore en activité (créé en 1892), remis au goût du jour.
Pièces intéressantes : jeans brut, selvedge, chinos, vestes.
Engagements : confection en France, matières de qualité (souvent européennes), volumes limités.
Noyoco (France)
Philosophie : minimalisme, coupes amples, matières naturelles ou recyclées.
Pièces intéressantes : pantalons fluides, chinos, laines recyclées, vestes, manteaux.
Engagements : laine recyclée, deadstocks de tissus réutilisés, production en Europe de l’Est, transparence sur les ateliers.
Pour les chinos et pantalons de tous les jours, tu peux aussi regarder chez :
BonneGueule : chinos bien coupés, matières souvent japonaises ou européennes.
Asphalte : pantalons en toile, coupes simples mais efficaces.
Loom : pantalon droit, conçu pour durer, sans chichi.
Investir dans un bon jean et deux pantalons bien fichus, c’est comme acheter un canapé de qualité : tu pleures une fois à l’achat, puis tu apprécies tous les jours.
Chaussures responsables : élégance au pied léger
Les chaussures, c’est l’endroit où ton style se voit le plus… et où l’impact écologique peut être lourd. Entre le cuir, les colles, les transports, il y a de quoi faire attention.
Veja (France / Brésil)
Philosophie : la basket « hype » mais honnête sur ses limites.
Pièces intéressantes : baskets casual pour le quotidien, modèles plus épurés pour porter avec un jean ou un chino.
Engagements : caoutchouc sauvage d’Amazonie, coton bio, cuir issu de tanneries certifiées, transparence sur la chaîne de production.
Panafrica (France / Afrique)
Philosophie : des baskets inspirées de l’Afrique, colorées, avec une production solidaire.
Pièces intéressantes : baskets basses, montantes, modèles plus sobres ou très colorés selon ton humeur.
Engagements : une partie de la fabrication en Afrique, utilisation de matières responsables, soutien à des projets éducatifs.
N’go Shoes (France / Vietnam)
Philosophie : mixer baskets urbaines et savoir-faire artisanal.
Pièces intéressantes : baskets minimalistes avec détails tissés à la main.
Engagements : collaboration avec des artisans vietnamiens, soutien à la construction d’écoles, certaines matières recyclées.
Pour des chaussures plus habillées (derbies, boots, richelieux), l’offre vraiment « durable » reste plus limitée. Quelques pistes :
Kleman : chaussures de travail devenues chaussures de ville, fabrication française, modèle Padror très populaire.
Même Loreak ou certaines petites marques portugaises : souvent de bonnes pratiques, mais il faut fouiller dans les pages « engagements ».
Dans le cuir, cherche idéalement :
Des tannages végétaux (moins de produits chimiques).
Des labels LWG ou des engagements clairs sur les tanneries.
La possibilité de ressemelage (sinon, durabilité limitée).
Vestes, manteaux et pièces fortes : acheter moins, choisir mieux
Un manteau bien choisi peut te suivre 10 ans. Une parka mal pensée, 2 hivers et on n’en parle plus. Autant dire qu’ici, les marques responsables ont beaucoup à offrir.
Patagonia (États-Unis)
Philosophie : pionniers de l’outdoor responsable.
Pièces intéressantes : doudounes, softshells, polaires, vestes techniques.
Engagements : matériaux recyclés, réparabilité, transparence, activisme environnemental. Ils ne sont pas parfaits, mais ils assument tout.
Noyoco (encore eux)
Pièces intéressantes : manteaux en laine recyclée, longs, structurés, parfaits pour la ville.
Engagements : utilisation de matières upcyclées (deadstock), coupes intemporelles, production européenne.
BonneGueule
Pièces intéressantes : blousons en laine, parkas, surchemises épaisses, vestes de mi-saison.
Engagements : matières techniques souvent recyclées ou certifiées, production contrôlée, traçabilité.
Le secret ici, ce n’est pas de collectionner les manteaux, mais d’en choisir :
Un manteau long (laine ou laine recyclée) pour le bureau et les rendez-vous sérieux.
Une veste plus casual (type parka, blouson) pour le week-end, les déplacements, la vie réelle.
Deux bonnes pièces valent mieux que cinq approximatives qui se démodent en une saison.
Sous-vêtements et accessoires : les détails qui comptent
On sous-estime souvent l’impact des « petits » achats répétés : chaussettes, boxers, ceintures, bonnets. Pourtant, c’est ce qu’on renouvelle le plus.
Loom
Boxers, chaussettes, t-shirts de corps, tout est pensé pour durer et rester confortable. Idéal pour faire un grand ménage dans ton tiroir à sous-vêtements.
Le Slip Français
Made in France, communication parfois un peu trop marketing, mais une vraie production locale et une gamme large (sous-vêtements, maillots, homewear).
À regarder de près : les matières utilisées (coton bio, etc.), car tout n’est pas encore parfait.
Hopaal (France)
Philosophie : tout en matières recyclées ou upcyclées.
Pièces intéressantes : bonnets, écharpes, pulls, t-shirts, parfois vestes.
Pour les accessoires en cuir (ceintures, porte-cartes, sacs), vise :
Des petites maroquineries françaises ou portugaises qui indiquent clairement leurs tanneries.
Des marques qui travaillent le cuir recyclé ou les alternatives végétales (mais en restant honnête sur la durabilité réelle, parce que la « peau d’ananas » miracle, on l’attend encore).
Seconde main, réparation, location : l’élégance, c’est aussi ce que tu ne jettes pas
On ne va pas se mentir : même avec les meilleures marques, le vêtement le plus écologique restera toujours celui qui existe déjà. Donc si tu veux pousser ta démarche un cran plus loin, regarde aussi du côté de :
Vinted, Leboncoin, Vestiaire Collective : parfaits pour trouver des pièces de qualité (costumes, manteaux, chaussures) à prix doux. Le piège : se laisser emporter et accumuler.
Friperies et dépôts-vente : l’endroit idéal pour des manteaux en laine, des vestes en cuir déjà patinées, des chemises à 10€ qui tiennent encore la route.
Réparations : un bon cordonnier, un retoucheur, un atelier de réparation de denim… ça change tout. Entre reprendre un ourlet et racheter un pantalon, le choix est vite fait.
Location : pour les événements ponctuels (mariages, galas, soirées habillées), louer un costume ou un smoking est souvent plus logique que d’en acheter un pour le laisser prendre la poussière ensuite.
Le style, ce n’est pas la nouveauté permanente, c’est la maîtrise de ce que tu as déjà.
Comment te constituer un dressing élégant et éthique sans y laisser ton PEL
Passons du théorique au concret. Tu n’as pas besoin de jeter ton dressing actuel et de tout racheter en « green ». Par contre, tu peux changer ta manière de consommer, petit à petit.
Une approche simple :
Étape 1 : tri – Retire tout ce que tu ne portes plus, ce qui est réellement trop abîmé, ce qui ne te va plus. Don, recyclage, seconde main.
Étape 2 : observation – Regarde ce que tu portes vraiment sur un mois : couleurs, coupes, types de pièces. C’est ton « vrai style », loin des fantasmes.
Étape 3 : liste – Note les manques réels : un bon jean, une paire de chaussures correctes, un manteau, 2 chemises qui tiennent la route.
Étape 4 : priorité à la qualité – Au lieu d’acheter 4 t-shirts moyens, achète-en 2 très bons. Idem pour les pantalons, chaussures, etc.
Étape 5 : règle des 30 ports – Avant d’acheter, pose-toi la question : « Est-ce que je le porterai au moins 30 fois ? ». Si la réponse est non ou floue, repose-le. Ton futur toi te dira merci.
L’idéal, à terme, c’est d’avoir une sorte de « capsule » :
3–4 t-shirts de qualité (Loom, Colorful Standard, Asphalte…)
2–3 chemises polyvalentes (Hast, BonneGueule…)
1 jean brut + 1 jean délavé propre (Nudie, Atelier Tuffery…)
2 pantalons (chino, pantalon en laine légère ou en toile, Noyoco, BonneGueule, Asphalte…)
1 paire de baskets responsables (Veja, Panafrica, N’go…)
1 paire de chaussures plus habillées (Kleman ou autre marque durable bien choisie)
1 manteau sérieux + 1 veste casual (Noyoco, Patagonia, BonneGueule…)
Quelques bons sous-vêtements et chaussettes (Loom, Le Slip Français, Hopaal…)
Résultat : moins de pièces, mais plus de tenues possibles, plus de cohérence, plus de confort – et moins de culpabilité quand tu passes devant le miroir.
En guise de mot de la fin (sans morale lourde)
S’habiller de manière élégante et responsable, ce n’est pas entrer dans un ordre religieux textile. C’est juste accepter l’idée que tes vêtements ont une histoire avant d’arriver sur ton dos – et que tu peux choisir quelle histoire tu veux porter.
Les marques citées ici ne sont pas parfaites (aucune ne l’est), mais elles vont dans la bonne direction : matériaux plus propres, conditions de travail mieux encadrées, transparence, durabilité réelle. Et toi, de ton côté, tu peux faire ta part sans sacrifier ton style ni ta personnalité.
La prochaine fois que tu hésites entre un t-shirt anonyme à 7€ et un modèle un peu plus cher chez une de ces marques, pose-toi simplement la question : lequel de ces deux-là tu te vois encore porter dans trois ans ?
C’est souvent là que commence le vrai chic.
